« Vous n'êtes pas sans savoir que par
l'Univers, la plupart des Astronomes signifient une sphère ayant son centre au centre de la Terre (...). Toutefois, Aristarque de Samos a publié certains écrits sur les hypothèses
astronomiques. Les présuppositions qu'on trouve dans ses écrits suggèrent un univers beaucoup plus grand que celui mentionné plus haut. Il commence en fait avec l'hypothèse que les étoiles fixes
et le Soleil sont immobiles. Quant à la terre, elle se déplace autour du soleil sur la circonférence d'un cercle ayant son centre dans le Soleil. »
Archimède, Préface du traité L’arénaire
" L'histoire de la théorie de la gravitation de Newton est fascinante à plus d'un terme. Tout d'abord, elle se situe à la frontière de la physique et de l'astrophysique, ne serait-ce que parce qu'elle montre qu'il n'y a pas de différence entre la gravitation sur terre, la pesanteur qui fait tomber les pommes et la gravitation entre les astres, la force qui fait tourner la lune autour de la terre, la terre autour du soleil, le soleil dans la galaxie, etc.
D'un point de vue simplement philosophique, cette loi a un lien avec la découverte de montagnes sur la lune par Galilée : les astres sont semblables à la terre, il n' y a pas un monde terrestre plein de soucis et de défauts, et un monde des astres libéré de toute contrainte, parfait, cristallin. La loi de Newton est un premier grand pas vers l'astrophysique, avant la découverte des raies atomiques dans le spectre du soleil : les lois physiques sont les mêmes sur terre et dans les astres que nous pouvons observer avec nos télescopes.
C'est un immense pas unificateur dans notre vision de la physique de l'univers. Pour une présentation rapide de la loi de la gravitation, la légende veut qu'en voyant tomber une pomme dans son jardin, Newton ait eu l'intuition que c'était la même force qui faisait tombe cette pomme et qui faisait sans cesse... tomber la lune sur la terre.
On peut montrer que la courbe que la lune décrit autour de la terre, ou que toute planète décrit autour du soleil, est une combinaison entre sa tendance à aller tout droit (son inertie) et sa tendance à tomber sur le centre de masse qui l'attire. Encore, si la théorie de Newton ne faisait que cela, expliquer d'une manière géniale mais d'une certaine façon a posteriori, comment la lune tourne autour de la terre, ce pourrait n'être qu'un modèle, une espèce de représentation de la façon dont les choses se passent, sans aller beaucoup plus loin. Là où cette idée devient une véritable théorie, là où elle gagne sa place au panthéon de la physique, c'est quand elle est capable de prédire un phénomène auparavant inconnu.
C'est avec la découverte de Neptune par le calcul de Le Verrier à l'observatoire de Paris que la théorie de la gravitation de Newton triomphe. Le Verrier examine les paramètres de l'orbite d'Uranus, découverte plus tôt par William Herschel, et il conclue que si la théorie de Newton est correcte, l'orbite d'Uranus ne respecte pas tout à fait cette loi. Dans un cas pareil, deux solutions sont possibles : soit la théorie est fausse, ou en tout cas, il lui manque quelque chose (et après tout, pourquoi pas ? la théorie de Newton pourrait être correcte à petite échelle, celle des pommes ou de la lune, mais pas à grande échelle sur des distances de l'ordre du système solaire) , ou bien la théorie est correcte et les perturbations de l'orbite sont causées par une influence extérieure, peut-être celle d'une planète qu'on n'a pas encore découverte. Il contacte un collaborateur à l'observatoire de Berlin en lui donnant les coordonnées où devrait se trouve la planète perturbatrice et bingo, on trouve effectivement une planète là où le calcul la place...
Puis vient le temps de la théorie de la relativité, ou plutôt viennent certains phénomènes physiques qu'on ne peut expliquer dans le cadre que nous offre la théorie de Newton. Une expérience d'optique célèbre, dite de Michelson et Morley montre que la vitesse de la lumière ne se propage pas selon les règles sur lesquelles s'appuie la théorie de la gravitation de Newton ; on s'aperçoit que l'orbite de la planète Mercure, proche du soleil, ne suit pas tout à fait la route que lui trace la théorie de Newton. Il s'en faut d'un minuscule décalage, à peine un centième de degré par siècle, mais bien mesurable ; et puis une mesure de déviation de la lumière par le soleil, lors d'une éclipse, montre que le calcul de Newton, sur ce cas également, se trompe d'un facteur 2. Ces divers phénomènes physiques tracent les frontières du domaine où la théorie de la gravitation de Newton excelle."
Jean-Louis Monin, Conférence de l'Observatoire de Grenoble (Octobre 1997)
L'archéoastronomie, les premières observations
Il est possible que l’astronomie ait pris naissance au paléolithique. Les cycles du Soleil et de la Lune furent probablement les premières manifestations qui interpelèrent les hommes, comme en témoigne les os sculptés, datant de 8000 ans, découverts aux Eyzies, en Dordogne.
Pour certains, les premières mesures astronomiques remontent à environ 6700 ans avant JC, date à laquelle auraient été dressés, à Carnac, en Bretagne 4 séries d’alignements de menhirs, de dolmens et de cromlechs (menhirs disposés en cercle). Cette interprétation des alignements de Carnac est contestée par beaucoup d'astronomes.
Le site de Stonehenge en Angleterre (image ci-contre), édifié dès 4100 av. J-C., est particulièrement spectaculaire et sa signification est également discutée aujourd'hui. Ces mégalithes semblent alignés d’une façon particulière par rapport aux solstices : lever de soleil au solstice d'été, lever de lune au solstice d'hiver (maximum de déclinaison), lever de lune au solstice d'hiver (minimum de déclinaison), lever de soleil au solstice d'hiver, lever de lune au solstice d'été (maximum de déclinaison), coucher de lune au solstice d'hiver (minimum de déclinaison).
Certains égyptologues ou archéo-astronomes proposent une théorie selon laquelle il existerait une corrélation entre la position et l'orientation des pyramides de Gizeh et la position des étoiles et notamment de la constellation d'Orion.
On sait que grâce aux crues du Nil, les égyptiens avaient observé que le soleil se retrouvait tous les 365 jours, à la même place dans le ciel par rapport aux autres étoiles.
Ils divisèrent l'année en trois saisons : la saison des inondations (où le Nil déborde), la saison des semailles, et la saison des récoltes. Il s'agit du premier calendrier connu.
Mais les origines de l’astronomie occidentale se trouvent en Mésopotamie (entre les deux fleuves : le Tigre et l'Euphrate). Rappelons que c’est chez les Sumériens entre -3500 et 3000 av. JC, qu’une forme d'écriture connue sous le nom de cunéiforme apparaît.
La théologie astrale, qui considère les planètes comme des dieux importants de la mythologie mésopotamienne et de la religion, naît aussi avec les Sumériens. Ce peuple utilise également une numération de positionsexagésimale (de base 60), qui simplifie la notation de nombres très grands ou très petit.
Les Babyloniens sont les premiers à avoir consigné par écrit le caractère périodique de certains phénomènes célestes, et à avoir appliqué le calcul écrit pour formuler leurs prévisions : des tablettes de la période paléo-babylonienne témoignent de l'application des mathématiques pour déterminer la variation de la durée du jour au long de l'année solaire. On dispose de siècles d'observation des phénomènes célestes sur les tablettes cunéiformes dénommées Enûma Anu Enlil .
Les connaissances astronomiques des Mésopotamiens atteignirent un très haut niveau durant l’Ier millénaire, époque durant laquelle les astronomes Chaldéens étaient réputés jusqu'en Grèce.
Ils avaient mis au point le principe de la division de la voûte céleste en douze signes du Zodiaque, qui sont sensiblement les mêmes que les nôtres. De la même manière, ils avaient déjà nommé de nombreuses constellations. Ils connaissaient cinq planètes : Mercure (Sihtu), Vénus (Delebat), Mars (Salbanatu), Jupiter (Neberu) et Saturne (Kayamanu).
La Terre était alors généralement perçue comme étant au centre de l'Univers, les autres astres gravitant autour d'elle (géocentrisme).Cependant, l’astronome chaldéen Seleucos de Séleucie (né en 190 av. J. C.) a proposé un modèle héliocentrique pour expliquer les phénomènes célestes. Seleucos nous est connu par les écrits de Plutarque.
Seleucos serait aussi le premier à avoir expliqué les marées par l'action mécanique de la Lune, et à avoir relié l'intensité des marées à la position relative de la Lune par rapport au Soleil.
La science grecque et l'astronomie
Nous allons retrouver de vieilles connaissances !
7ème siècle av JC : Thalès de Milet
Le philosophe, scientifique et mathématicien grec reprend les conceptions astronomiques des Babyloniens. Il voit la Terre comme un disque flottant sur l’eau et le Ciel comme une voûte limitant le monde.
Son intérêt pour l'astronomie le poussa à faire de nombreuses observations sur les constellations. Il aurait ainsi été le premier à décrire le parcours du Soleil entre les deux Tropiques. Il établira aussi le fait que certaines étoiles n'étaient pas toutes fixes par rapport aux autres et il les baptisa Planètes, signifiant corps errant.
6ème siècle av JC, Pythagore
Il est l'un des premiers à avancer que la terre est sphérique. Il placera celle-ci au centre de l'Univers. Les étoiles étaient censés jouer ainsi une gamme complète et en parfaite harmonie : la musique des sphères.
Les pythagoriciens furent les premiers à considérer la Terre comme une sphère en révolution autour de laquelle tournent en cercles concentriques le soleil, la lune, les cinq planètes alors connues, et la sphère des étoiles fixes.
5ème siècle av JC, Démocrite
Démocrite est connu comme l’auteur de treize tétralogies à propos des planètes, de la nature, du système du monde, des atomes : particules infiniment petites et indivisibles constituants élémentaires de la matière.
Démocrite concevait la création du monde, et la source de toute réalité, par le tournoiement des atomes. De ce fait, il affirmera que le mouvement est inhérent à l'atome, et que ce dernier est éternel. L'univers serait alors comme un gigantesque mécanisme, qui par nécessité était en mouvement...
4ème siècle av JC, Aristote
Pour Aristote, la Terre est immobile et se trouve au centre de l'Univers. Elle est composée des 4 éléments : l'eau, l'air, la terre et le feu. Aristote démontre l'immobilité de la Terre en affirmant que si la Terre était en mouvement nous devrions en ressentir directement les effets.
Il affirmera également que la Terre est sphérique et en donnera deux preuves : l'ombre portée par la Terre sur la Lune lors d'une éclipse est toujours arrondie et l'on voit toujours apparaître en premier le mât d'un navire quand celui vient de la haute mer.
3ème siècle av JC, Aristarque de Samos
L'astronome grec indiquait déjà que notre planète tournait autour du soleil sur une orbite circulaire mais, du fait de la renommée d'Aristote, on ne le crut point.
Il concevait également un Univers infiniment grand et plaçait la sphère des étoiles fixes beaucoup plus loin que l’orbite terrestre, sans pouvoir en apporter aucune preuve...
90 - 168 après JC, Claude Ptolémée
L'astronome grec, suivant Aristote, replaça la Terre, immobile, au centre de l'Univers, avec autour et dans l'ordre : la Lune, Mercure, Vénus, le Soleil, Mars, Jupiter, Saturne et les étoiles (accrochées à la huitième sphère).
Ptolémée expliquera le mouvement des astres par une combinaison complexe de cercles (images ci-dessus). Ces constructions permettront notamment d'expliquer le mouvement rétrograde des planètes.
Le système proposé par Ptolémée, en accord avec les idées d’Aristote, n’a (presque) jamais été remis en cause pendant des siècles.
Après ces découvertes, l'astronomie va sombrer dans l'oubli. L’Église poursuivant à l'époque, tous ceux qui essayaient de comprendre le ciel...
XVIème siècle, Nicolas Copernic
Il fallut attendre le XVIème siècle pour que les choses commencent à évoluer.
Nicolas Copernic était convaincu que la Terre était une planète comme les autres et que toutes les planètes décrivaient des cercles autour du Soleil. Il pensait aussi que la Terre oscillait comme une toupie en tournant
La théorie copernicienne conserve un grand nombre d’éléments de la cosmologie ancienne, notamment les sphères solides portant les planètes et la sphère la plus lointaine portant les étoiles
fixes. Cependant la théorie héliocentrique de Copernic a l'avantage d’expliquer le mouvement quotidien et annuel des planètes et des étoiles. Elle explique également le mouvement
rétrograde apparent de Mars, Jupiter et Saturne, ainsi que le fait que Mercure et Vénus ne s’éloignent jamais trop loin du Soleil.
La théorie de Copernic permet aussi de classer les planètes selon leur période de révolution.
L’adoption du système héliocentrique de Copernic provoquera une véritable révolution . C’est ce modèle qui conduira à la découverte de la théorie de la gravitation universelle par Isaac Newton.
Le siècle qui sépare ces deux grands hommes sera marqué par les travaux de deux astronomes : Tycho Brahe l’observateur et Johannes Kepler le théoricien.
Les observations de Tycho Brahe
Fils d'une noble et riche famille danoise, Tycho Brahe étudie le droit et la philosophie à l'université de Copenhague puis successivement à celles de Leipzig, Rostock et enfin Bâle.
Passionné d'astronomie, il observe dès l'âge de 17 ans la conjonction de Saturne et de Jupiter et relève à cette occasion d'importantes erreurs dans les tables astronomiques existantes. Brahe décide d'établir de nouvelles tables et entreprend pour cela la fabrication des plus grands instruments d'observation jamais construits.
Observateur émérite, Tycho Brahe se trompe pourtant sur les mouvements célestes. N'admettant pas tout à fait le système de Copernic, il cherche un compromis et le combine à l'ancien système de Ptolémée. Pour lui, les cinq planètes connues tournent autour du Soleil, l'ensemble faisant lui-même le tour de la Terre, immobile, chaque année.
Les lois de Kepler
Johannes Kepler naît au sein d’une famille de religion protestante luthérienne en 1571 à Weil der Stadt dans le Bade-Wurtemberg ; il meurt en 1630 à Ratisbonne en Bavière.
Alors que Kepler projette de devenir ministre luthérien, l’école protestante de Graz demande un professeur de mathématiques. Il abandonne ses études en théologie pour prendre le poste et quitte Tübingen en 1594. À Graz, il commence par publier des almanachs avec des prédictions astrologiques.
En 1596, il publie son premier ouvrage, Mysterium Cosmographicum, fruit de ses premières recherches sur la structure de l’Univers. Il voit dans les lois qui régissent les mouvements des planètes, un message divin adressé à l’Homme. Dans ce livre, où il affirme sa position copernicienne, il se donne pour objectif de répondre à trois questions portant sur le nombre de planètes, leur distance au Soleil et enfin leur vitesse.
Poursuivi pour ses convictions religieuses et ses idées coperniciennes, Johannes Kepler doit quitter Graz en 1600. Il se réfugie à Prague, invité par Tycho Brahe, pour y devenir son assistant. Les relations entre les deux personnages furent houleuses ; Tycho Brahe ne croyait pas à l’héliocentrisme de Copernic.
Kepler récupéra cependant toutes les données observationnelles de Tycho Brahe. Grâce à sa connaissance en mathématiques, il allait pouvoir exploiter cette précieuse source de données et proposer trois lois du mouvement planétaire, qui allaient plus tard servir de source d’inspiration à Isaac Newton.
Les deux premières lois de Kepler furent publiées en 1609 ; la troisième fut découverte quelques années plus tard, en 1618.
La première loi affirme que les planètes décrivent autour du soleil des orbites en forme d’ellipse, le soleil occupant l’un des foyers.
Kepler fut le premier à oser remettre en cause les orbites circulaires ; les astronomes avaient toujours utilisé des combinaisons de cercles pour expliquer le mouvement apparent des planètes. Grâce à l’ellipse, Kepler réconciliait enfin théorie et observations.
Dans la deuxième loi (loi des aires), Kepler établit que la vitesse de la planète sur son orbite n’est pas constante mais dépend de la distance entre la planète et le soleil. Plus la planète est proche du soleil, plus elle va vite.
La troisième loi de Kepler confirmer et explicite le fait que les planètes les plus éloignées du soleil sont également celles dont les périodes de révolution sont les plus longues.
Ainsi, Kepler remet en cause les deux principes acceptés depuis plus de 15 siècles : les mouvements célestes ne sont ni circulaires, ni uniformes !
Les travaux de Galilée, de Descartes et de Hooke
Galilée (image ci-contre, lors de son procès) fut le premier à énoncer rigoureusement un principe en apparence fort simple, mais dont la portée allait être immense : le principe d’inertie.
Ce principe dit qu’en absence de frottement ou de toute autre contrainte ou force, un objet en mouvement continuera sur sa lancée pour toujours.
Galilée commit toutefois une erreur, car il imaginait que « sur sa lancée » pour une planète signifiait le long d’une orbite circulaire. Ainsi, il pensait que le mouvement planétaire était « naturel », ce qui revenait à peu près au même que l’explication d’Aristote, basée sur le mouvement naturel de l’éther. Il ne reprenait pas le mouvement elliptique découvert par Kepler.
En 1644, le philosophe René Descartes corrigea l’erreur de Galilée en affirmant que « sur sa lancée » signifiait en ligne droite et à vitesse constante. Le principe d’inertie de Descartes fut repris tel quel par Newton (en fait, il s’agit de la première loi de Newton).
"En l’absence de frottement ou de toute autre contrainte ou force, un objet continuera sur sa lancée en ligne droite et à vitesse constante."
Le principe de Descartes va permettre pour la première fois de comprendre la physique de l’orbite des planètes : puisqu’elles ne se déplacent pas en lignes droites, leur mouvement n’est pas naturel, il s’agit d’un mouvement forcé. Autrement dit, il y a une force qui fait dévier les planètes de la ligne droite.
En 1679, Robert Hooke réalisa que cette force devait nécessairement agir vers le centre de l’orbite. Il arriva donc à une conclusion étonnante : le soleil attire les planètes. Les planètes ont vraisemblablement reçu un élan lors de leur formation. Depuis, l’orbite stable de chacune est un compromis entre la tendance naturelle à continuer en ligne droite et la force d’attraction du soleil qui les fait constamment dévier vers le centre de l’orbite.
La nature de la force d’attraction du soleil demeurait toutefois mystérieuse ; Hooke pensait comme Kepler, à une force d’origine magnétique.
Ci-dessous : système héliocentrique avant Newton, lunette de Galilée, microscope de Hooke, Newton et Hooke
Newton découvre la loi de la gravitation universelle
Newton commença par réfuter la structure de la matière proposée par Descartes.
Dans son premier manuscrit intitulé : De la gravitation, du mouvement des corps (1670), Newton présente sa théorie sur la structure de la matière. Il y expose une critique détaillée de la conception de la matière et de la vision cosmique de Descartes. Newton rejette son fluide subtil, l’éther, qui emplirait tous les interstices de la matière et qui serait contraire à tout mouvement et il rejette également son identification de la matière à l’étendue.
Si l’éther était un fluide totalement corporel, écrit Newton, sans aucun pore, il serait aussi dense que n’importe quel fluide et il ne céderait pas aux mouvements des corps qui le traverseraient, et tout mouvement serait impossible.
Pour Newton, la matière est donc constituée de corpuscules qui se déplacent dans l’espace. Il s’accorde donc, en partie, avec Descartes quant au mouvement et à l’existence d’atomes, mais son opinion diverge quant à la conception de l’espace. L’espace est un lieu où les corps sont placés mais l’espace n’est pas un corps comme Descartes le pensait.
Les premiers travaux de Newton en physique et en mathématiques remontent à la fin des années 1660.
Vers 1665, il jeta notamment les bases d’une technique qui allait révolutionner les mathématiques, le calcul différentiel et intégral (voir article précédent). Or c’est justement ce qui manquait à Hooke vers 1680 pour démontrer la forme elliptique des orbites, Newton n’ayant pas publié ses résultats.
L’analyse des écrits de Newton démontre qu’il n’avait pas formulé clairement l’idée d’une force attractive entre le soleil et les planètes ou entre la terre et la lune avant qu’il n’ait reçu la lettre de Hooke.
Toutefois, il est le premier à avoir clairement reconnu la gravitation, la force familière qui nous cloue au sol, comme la force d’attraction responsable des orbites des objets célestes. Il est aussi le premier à s’être rendu compte que tous les objets s’attirent mutuellement, une découverte qui allait en entraîner bien d’autres. De plus, sa maîtrise du calcul différentiel et intégral, lui permit de démontrer la première et la deuxième loi de Kepler à partir de la seule hypothèse d’une force en 1/r2 : toute la théorie du mouvement des planètes se trouvait ainsi expliquée par un seul principe !
Si les travaux de T. Brahe et de J.Kepler représentent le triomphe de la précision, ceux de Newton constituent le triomphe de la synthèse.
Edmund Halley travaillait lui aussi sur le problème. En 1684, il rencontra Newton et lui demanda son opinion sur la forme qu’aurait une orbite produite par une force inversement proportionnelle au carré de la distance. « Une ellipse, et je l’ai calculée ! » lui répondit Newton.
Halley réussit à convaincre Newton de publier ses travaux, offrant même de défrayer lui-même la publication. Newton se mit alors à l’ouvrage et publia ses Principia trois ans plus tard.
La légende (?) rapporte que Newton un jour de 1665, vit tomber une pomme à partir d’une branche élevée d’un arbre. Il se serait posé la question suivante : si la branche avait été plus haute, la pomme serait-elle tombée ? Bien sûr. Mais alors, où la gravitation s’arrêtait-elle ? Il ne semblait pas y avoir de limite évidente. La gravitation s’exerçait-elle sur la lune ? Si oui, la lune aurait dû tomber…
Si la tendance des objets était de continuer à vitesse constante et que la lune tombait en même temps, la résultante serait une orbite autour de la terre ! Et si la terre sert de centre d’attraction à l’orbite lunaire, le soleil joue ce rôle pour les planètes, et d’autres planètes (comme Jupiter ) pour leurs satellites. Newton donne sa loi de la gravitation universelle :
Tous les objets de l’Univers s’attirent mutuellement avec une force inversement proportionnelle au carré de la distance.
Newton a fait bien plus que démontrer que les trois lois de Kepler découlent de l’hypothèse d’une force de gravitation variant en sens inverse du carré de la distance. Il a également montré que la force d’attraction entre deux objets est proportionnelle au produit de leurs masses. Il a enfin réussi à généraliser la troisième loi pour l’appliquer à des objets ne tournant pas autour du soleil. Par le fait même, il a obtenu une des relations les plus utiles en astronomie. En effet, la troisième loi généralisée permet de déterminer la masse d’un objet qui se trouve au centre d’un système gravitationnel
En prenant une comparaison avec le lancement des boulets de canon, Newton parvient à expliquer la mise en orbite de la Lune. Le boulet de canon retombe sur Terre dit-il, parce que la force d'inertie qui le propulse est contrecarrée par la gravitation. Si la Lune ne tombe pas sur la Terre, c'est parce que d'un côté chaque seconde la Lune est attirée vers la Terre sous son propre poids, mais d'un autre côté son inertie lui impose de suivre une trajectoire rectiligne. Il en résulte une trajectoire autour de la Terre dans laquelle la force d'inertie compense la force de pesanteur :
"Avec assez de vitesse explique-t-il, le projectile ne frappera plus la terre du tout, mais tombera vers la terre aussi rapidement que la courbure terrestre s'éloignera de lui. Sans aucune résistance de l'air au-dessus de l'atmosphère pour le ralentir, le projectile voyagera pour toujours sur une orbite circulaire (ou elliptique) autour de la terre".
La loi en carré inverse sera vérifiée en 1671, lorsque Jean Picard mesurera avec précision le rayon de la Terre.
Ainsi, Newton avait la confirmation de la réalité de sa théorie. Exprimée de manière concise, sa loi de la gravitation stipule :
"Tout corps matériel dans l'univers attire tout autre corps avec une force directement proportionnelle au produit de leurs masses et inversement proportionnelle au carré de leur distance".
La loi de l'inertie découverte par Galilée prenait un nouveau sens et sera énoncée par Newton comme la "Première loi du mouvement". Elle nous dit que l'accélération des objets n'est provoquée que par la masse qu'ils contiennent, au facteur de distance près.
Sa loi explique les mouvements orbitaux indépendamment du mouvement de la Terre et des autres corps, comme une simple force entre deux corps, une interaction à laquelle s'ajoute la notion d'inertie.
Nous sommes en 1687, Newton vient d'inventer la loi de l'attraction universelle !
Les lois de Newton à l’épreuve des faits
Le succès d’une théorie ne peut être considéré complet qu’à partir du moment où elle permet de prédire des phénomènes auparavant inconnus. C’est le cas de la gravitation universelle.
- la comète de Halley
En 1705, Halley se rendit compte que les trois comètes brillantes qui avaient traversé le système solaire intérieur en 1531, 1607 et 1682 étaient en fait différents passages de la même comète voyageant sur une orbite très excentrique selon une période de 76 ans.
Il prédit le retour de la comète, qui aujourd’hui porte son nom, pour 1758 et calcula, à l’aide de la théorie de la gravitation universelle, l’effet de Jupiter sur son orbite. A son retour, Jupiter perturba la trajectoire de la comète exactement comme il l’avait prévu (il ne se trompa que de quelques semaines sur la date de retour de la comète), ce qui vint brillamment confirmer la théorie de Newton. Halley et Newton étaient morts depuis longtemps !
- la découverte de Neptune
Depuis le début du dix-neuvième siècle, la position des planètes du système solaire est connue avec une grande précision. Cependant, l'orbite d'Uranus (Sir William Herschel observe la planète le 13 mars 1781) était imprévisible à long terme. En 1843, John Couch Adams calcula à l’aide de la théorie de Newton qu’une planète inconnue pouvait expliquer les perturbations de l’orbite d’Uranus.
Aussi, en 1845 en France, l'Académie des Sciences émet deux hypothèses :
· soit la loi de gravitation n'est pas universelle car elle ne fonctionne pas sur Uranus.
· soit un corps massif se trouvant relativement près d'Uranus bouleverse l'orbite de cette dernière.
Le directeur de l'Observatoire de Paris de l'époque François Arago, demande à Urbain le Verrier d'étudier l'orbite d'Uranus. Ce dernier accepte et soutient l'hypothèse d'une huitième planète.
Le 31 août 1846, Urbain le Verrier explique à l'Académie la position possible de la planète. Le Verrier demande aux allemands qui détiennent une cartographie précise de rechercher cette planète.
Après 5 jours de recherche, Johann Galle repère la nouvelle planète qui est baptisée Neptune par le Bureau des longitudes de Paris.
Désormais, la théorie de la gravitation universelle de Newton fut considérée comme une vérité absolue qui ne pouvait être remise en question.
Les limites de la mécanique classique
Les quelques échecs successifs de la physique newtonienne (elle n'explique pas par exemple l'excès d'avance du périhélie de Mercure), et son apparente incompatibilité avec l'électromagnétisme, amenèrent Einstein à proposer la théorie de la relativité restreinte qui s'appuie sur deux principes fondamentaux :
- les lois de la physique sont les mêmes quelque soit le référentiel galiléen considéré,
- la vitesse de la lumière dans le vide est absolue et universelle.
Physiquement, le premier principe signifie qu'il n'existe pas d'espace-temps absolu. Il n'y a pas de cadre de référence absolu par rapport auquel on pourrait mesurer des positions et des vitesses. Seules des positions et des vitesses relatives ont un sens.
Contrairement à l'espace absolu de Newton, celui d'Einstein est lié à son contenu. Il ne s'agit pas d'un cadre rigide préexistant et c'est la présence de masses qui va lui imposer sa géométrie, et par là même modifier le comportement des corps et de la lumière.
L'univers newtonien rigide se trouve remplacé par un espace-temps de Riemann à quatre dimensions courbé par la présence de masses.
Notons cependant que Newton avait lui-même perçu les limites de certains de ses concepts et faisait part de ses doutes. Einstein lui rendra hommage à plusieurs reprises à ce propos.
La physique aujourd’hui
Je laisse la parole à un brillant physicien , Gilles COHEN-TANNOUDJI :
" A la fin du XIXème siècle, la physique semblait être parvenue à une véritable apogée. Dans ce cadre, la matière se réduisait à deux composantes : d’une part, des points matériels, de masses et éventuellement de charges électriques invariables, et d’autre part, un milieu hypothétique, censé porter les ondes électromagnétiques dont est constituée la lumière, l’éther. L’espace et le temps, entités objectives, absolues, indépendantes de la matière, fournissaient l’arène dans laquelle se déroulaient les événements de l’univers matériel. C’est cette conception globale de la matière, de l’espace et du temps qui a été profondément remise en cause par la révolution du début du XXème siècle, sans que toutefois ne soit remis en cause le principe de l’existence et de l’intelligibilité d’une réalité objective indépendante.
Certes, dans un premier temps, le modèle des points matériels s’est trouvé conforté par la mise en évidence expérimentale de la réalité des atomes : les points matériels ne seraient autres qu’une idéalisation des atomes, ou molécules, les constituants irréductibles de la matière. Cependant, au fur et à mesure que se développait la mécanique quantique, l’image des atomes assimilables aux points matériels de la mécanique rationnelle n’a cessé de se brouiller. Mais c’est le modèle de l’éther qui a subi la contestation la plus radicale. Déjà à la fin du XIXème siècle, l’échec des expériences de Michelson et de Michelson et Morley, qui étaient censées mettre en évidence le mouvement de la Terre par rapport à l’éther, a fortement mis en doute la crédibilité de ce modèle.
Avec la théorie de la relativité restreinte établie en 1905, Einstein abandonne purement et simplement le modèle de l’éther. L’éther est remplacé par le champ électromagnétique qui apparaît comme une nouvelle façon d’être de la matière. Un champ est une matière-énergie, étendue dans l’espace et le temps, et susceptible de propager, à vitesse finie, une interaction. Pour rendre compatibles le principe de relativité, selon lequel les lois de la nature s’expriment de la même façon dans des référentiels inertiels en mouvement relatif rectiligne et uniforme, et le principe d’invariabilité de la vitesse de la lumière, Einstein a dû procéder à une véritable refondation de la mécanique, remettant en cause la conception de la matière, de l’espace et du temps. C’est maintenant l’énergie et non la masse qui joue le rôle de caractéristique la plus fondamentale de la matière : la lumière est une matière, mais c’est une matière qui a de l’énergie sans avoir de masse.
L’espace et le temps ne sont plus absolus ; ils sont associés au sein d’un continuum à quatre dimensions, l’espace-temps : « il apparaît plus naturel de penser la réalité physique comme une existence à quatre dimensions que comme l’évolution d’une existence à trois dimensions », dira Einstein dans l’appendice qu’il a rajouté en 1952 à la quinzième édition de son livre de vulgarisation de la théorie de la relativité.
Le passage à la relativité générale amplifie encore les remises en cause puisque c’est l’existence même de l’espace-temps en tant que réalité indépendante de la matière qui est mise en question : toujours dans le même appendice, Einstein démontre qu’ « il n’y a pas d’espace vide de champ ». Ainsi, alors que la relativité restreinte avait établi la matérialité de la lumière, la relativité générale établit la matérialité de l’espace-temps.
La théorie de la relativité générale est une théorie géométrique de la gravitation qui est assimilée à la courbure, induite par la matière, d’un espace-temps non euclidien. Lorsqu’elle est appliquée à l’Univers dans son ensemble, livré à sa propre gravitation, cette théorie est au fondement de la cosmologie contemporaine, dont le modèle du big bang est considéré comme le modèle standard.
Dans les modèles cosmologiques, la géométrie de l’espace-temps est traitée de manière axiomatique alors que le contenu matériel de l’Univers est traité de manière phénoménologique, à partir d’hypothèses très simplificatrices qui ignorent sa structure microscopique et les interactions fondamentales autres que gravitationnelles dans lesquelles il est impliqué.
Pour lever l’insatisfaction que provoquait en lui cette dissymétrie dans le traitement de la matière et de l’espace-temps, Einstein a vainement essayé, à partir des années trente, de construire une théorie qui unifierait les champs électromagnétique et gravitationnel au sein d’un nouveau « champ unitaire ».
Comme la raison de son échec provient de l’incompatibilité de la théorie de la relativité générale et de la théorie des quanta, Einstein a eu tendance à en faire porter la responsabilité sur les reproches, en particulier le reproche de l’incomplétude, qu’il adressait à la théorie des quanta.
Or, depuis ces années trente, la théorie des quanta a accompli des progrès spectaculaires, dont le moindre n’est pas l’élaboration d’une nouvelle conception de la matière au travers du concept de champ quantique. La théorie quantique des champs réalise le mariage de la relativité restreinte et de la mécanique quantique et l’unification des représentations ondulatoire et corpusculaire de la matière et des interactions. Aux concepts classiques de champ d’interaction et de particules de matières, cette théorie adjoint les concepts quantiques de champ de matière et de particules d’interaction. La théorie quantique des champs a permis une approche axiomatique de la physique des particules et des interactions fondamentales (non gravitationnelles) qui a débouché sur un modèle standard qui rend compte de manière satisfaisante de l’ensemble des données expérimentales.
Aujourd’hui donc, la matière est pensée à l’aide de deux cadres axiomatiques, prenant chacun en compte deux constantes universelles et permettant une approche théorique de la cosmologie et de la physique des particules, la relativité générale, qui prend en compte la vitesse de la lumière c et la constante de la gravitation G, et la théorie quantique des champs qui prend en compte la vitesse de la lumière c et la constante de Planck h.
Gilles COHEN-TANNOUDJI
Physicien, conseiller scientifique au commissariat à l’énergie atomique (CEA)
Lire : Particules élémentaires et cosmologie : les lois ultimes ?, (2008) avec Michel Spiro
« Mais on ne doit, cependant, absolument pas penser que l'œuvre puissante de Newton puisse être réellement dépassée par cette théorie [la relativité], ni par aucune autre. Ses idées, si belles et lucides, garderont à jamais leur signification sans égale en tant que fondations de toute la structure conceptuelle de notre temps dans le domaine de la philosophie naturelle » Albert Einstein
SOURCES : les liens choisis, volontairement très divers, donnent accès à toutes les sources utilisées. Voir également :
- http://cosmobranche.free.fr/origine_science.htm
- http://www.cosmovisions.com/
A propos de Newton/Einstein :
- http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/17/73/36/PDF/PatyM-1987e-EinstNewton.pdf
Un certain nombre de Google books sont donnés en lien ; voir en particulier :
- I. Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle (traduction Marquise du Chastelet),
- J. Kepler, The Harmony of the world
Newton qui est persuadé d'avoir mis à jour un des ressorts du fonctionnement de cet univers, cherche donc à en établir la généralité, les conséquences et à interpréter les faits qui semblent en limiter le champ.
C'est ainsi qu'il s'intéresse à la façon dont la sève des arbres peut vaincre la gravité.
Une publication en ligne de Nature Plants du 1ier février, souligne combien, au vu des connaissances actuelles de l'hydrodynamique des plantes, les spéculations du génie de Grantham étaient prémonitoires.