En 1913, Niels Bohr propose une théorie révolutionnaire de la structure de l'atome. A partir du modèle d'atome planétaire de Ernest Rutherford (dont il est l'élève à Cambridge) et de la théorie des quanta de Max Planck, Bohr suggère que, dans un atome, les électrons gravitent autour du noyau sur des orbites stables correspondant à des niveaux d'énergie quantifiés. Le passage d'un électron d'un niveau à un autre, produit l'émission ou l'absorption d'une radiation caractéristique de l'élément chimique considéré.
Cette théorie, qui est souvent appelée modèle de Bohr, vaut à son auteur le prix Nobel de physique en 1922.
Niels Bohr est l'un des piliers de la mécanique quantique.
LIRE : La partie et le tout de Werner Heinsenberg
En 1927, invité au cinquième congrès Solvay (1), Einstein interpelle Niels Bohr pour marquer son opposition à l’interprétation probabiliste de la physique quantique et au Principe d'incertitude de W. Heisenberg : « Gott würfelt nicht » (« Dieu ne joue pas aux dés ») , ce à quoi Niels Bohr répondit : « Qui êtes-vous Albert Einstein pour dire à Dieu ce qu’il doit faire ? »!
Prendre Dieu, évidemment, au sens de Nature.
Cette controverse, qui porte sur un sujet complexe, est une bonne illustration des méthodologies de la recherche dans le domaine des sciences dites "exactes". Elle a aussi conduit à une réflexion quasi philosophique sur la mécanique quantique.
(1) : Dix-sept des vingt-neuf participants de ce cinquième Congrès se virent décerner le Prix Nobel !
" Comme dans la caverne de Platon, l'homme ne voit jamais que les ombres de la réalité : la graduation d’un rhéostat, des bulles d’air dans une chambre à bulles, des signaux numérisés ou des chiffres sur un écran. Pour la première fois dans l'histoire de la science, notre perception du monde ne passe plus directement par nos sens."
Tous les ténors de la théorie quantique avait bien vu le caractère "explosif", révolutionnaire, de leurs concepts :
Planck : "La théorie quantique est un « explosif puissant et dangereux pour nos concepts physiques »
Heisenberg : « Le changement de concept de réalité qui se manifeste dans la théorie quantique n’est pas qu’un prolongement du passé; il semble être une rupture réelle dans la structure de la science moderne »
Schrödinger : « Nos idées sur la matière ont changé de manière radicale durant les 50 dernières années »
On pourrait aussi citer Louis de Broglie, Niels Bohr...
Rappelons les quatre composantes de cette révolution :
- Introduction d’une discontinuité « quantique » dans l’espace des états des objets microscopiques,
- Dualité onde-corpuscule,
- Probabilités, Indéterminisme, Incertitudes, etc.
- Passage d’une vision statique de l’objectivité à une conception dynamique de l’objectivation.
Einstein, qui utilisa la théorie des quanta dans sa découverte de l'effet photoélectrique, se débat comme un beau diable dans cet univers qui n'est pas le sien :
Einstein 1905 : Dans le rayonnement électromagnétique, “ L'énergie n’est pas distribuée uniformément sur des régions de plus en plus vastes de l’espace mais est constituée d’un nombre fini de quanta d’énergie localisés ”
Einstein 1909 : “ L’étape suivante en physique théorique nous fournira une sorte de fusion de la théorie ondulatoire avec la théorie de l’émission (corpusculaire) ”. “ Je tends à imaginer ces points singuliers comme s’ils étaient entourés d’un champ de forces ayant essentiellement la nature des ondes planes, mais possédant une amplitude qui décroît avec la distance à l’égard de ces points ”
Einstein 1910 : “ Peut-on réconcilier les quanta d’énergie avec le principe de Huyghens ? Cela semble impossible, mais Dieu semble avoir trouvé une astuce ! ”
Einstein 1911 : “ J’insiste sur le fait que cette conception (des quanta de rayonnement électromagnétique) est provisoire, puisqu’elle ne semble pas pouvoir être réconciliée avec les conséquences expérimentales de la théorie ondulatoire "
Il est indéniable que le verdict expérimental nous dit que le monde de la physique quantique est étrange : un photon peut-être à deux endroits en même temps et peut même interférer avec lui-même ! Devant la difficulté de visualiser les phénomènes quantiques, d’avoir une image intuitive des phénomènes et de leur réalité, beaucoup de chercheurs, mathématiciens, physiciens ou philosophes, se sont demandés quel était finalement le statut de la réalité en physique quantique ?
voir Bernard d’Espagnat " Physique quantique et philosophie ", ICI
Un siècle de Physique : 1 - La Physique Quantique, Thierry Lombry
En physique quantique, la valeur d’une observable (quantité physique mesurable), comme la position ou la vitesse d’une particule, n’est généralement prédite que de façon statistique, par la probabilité de trouver telle ou telle valeur.
Le formalisme de la mécanique quantique, élaboré par Niels Bohr et l’école de Copenhague, permet donc de calculer non pas le résultat d’une mesure mais seulement la probabilité de trouver un résultat pour cette mesure.
Cet aspect intrinsèquement probabiliste de la mécanique quantique laissait sceptiques Einstein et d’autres physiciens célèbres qui continuaient à penser que la mécanique quantique était en quelque sorte une théorie incomplète.
C’est dans cet état d’esprit qu’Einstein, Podolsky et Rosen (EPR) proposèrent en 1935 cette fameuse expérience de pensée introduisant pour la première fois un système quantique de deux particules dans
un état intriqué (ayant interagi dans le passé puis s’étant éloignées l’une de l’autre).
Pour un tel système, la mesure de l’état d’une des deux particules permet de connaître de façon certaine l’état de la deuxième particule sans qu’il soit nécessaire d’effectuer de mesure sur la
seconde particule.
Pour Einstein, inventeur de la relativité qui stipule qu’aucun effet ne peut se propager plus vite que la lumière, cette description mettant en jeu une modification instantanée à distance est inacceptable. Il conclut que si les deux particules ont des propriétés similaires au moment de la mesure, c'est qu'elles ont acquis ces propriétés lors de leur interaction initiale, et qu’elles les ont conservées après leur séparation.
Pour Einstein la connaissance certaine de l’état de la seconde particule conduit à penser que celle-ci possède une ou plusieurs « variables (ou paramètres) cachés » (absentes dans le formalisme quantique). D'où la conclusion d'Einstein, Podolsky et Rosen : la mécanique quantique est incomplète en ce sens qu’elle ne rend pas compte de la totalité de la réalité physique.
Bohr et ses collègues contestèrent le point de vue d’Einstein, sans pouvoir étayer leur réfutation.
L'argument EPR, tel que présenté en 1935 est fondé sur le raisonnement suivant.
Tout d'abord il faut rappeler que le principe d'indétermination interdit de connaître simultanément la valeur précise de deux quantités physiques dites incompatibles (typiquement, la vitesse et la position d'une particule). Plus on mesure avec précision une quantité, plus la mesure de l'autre est indéterminée.
En conséquence de ce principe, EPR en déduit deux affirmations mutuellement exclusives:
L'interprétation de Copenhague arrive à la conclusion que 2) est vrai et 1) est faux, alors que EPR entendent démontrer que 1) est vrai et 2) est faux.
Pour cela, ils mettent au point une expérience de pensée qui mène à la détermination simultanée de deux quantités physiques non-commutables, et donc à la conclusion que 2) est faux et par conséquent (les deux affirmations étant mutuellement exclusives) que 1) est vrai.
Pour démontrer que 2) est faux, il est indispensable de définir précisément ce qu'est la notion de "réalité" d'une quantité physique (par exemple la "position"). EPR mettent en évidence une condition suffisante de "réalité" :
En 1964, John S. Bell, théoricien irlandais travaillant au CERN – le Laboratoire européen pour la physique des particules à Genève- publia un article dans lequel il mit en évidence des effets quantitatifs et mesurables des expériences de type EPR. Ce sont les fameuses inégalités de Bell.
Ces inégalités sont des relations quantitatives que doivent vérifier les corrélations de mesures entre systèmes qui respectent totalement la causalité relativiste. Si ces inégalités sont violées, alors il faut admettre des influences instantanées à distance.
Ces inégalités, appliquées aux résultats de mesures bien choisies portant sur des particules intriquées, permettraient donc de trancher le débat.
Alain Aspect, un "gascon" (natif d'Agen), Médaille d’or CNRS 2005, spécialiste de l’optique quantique et de la physique atomique va en effet trancher le débat.
Il entreprend en 1975, à l’Institut d’optique d’Orsay, la construction d’une source de paires de photons intriqués et de polariseurs (dispositifs optiques permettant de contrôler ou d'analyser la polarisation de la lumière qui les traverse) d’une efficacité sans précédent, grâce à l’utilisation d’une excitation laser à deux photons.
Cette source lui permettra, avec ses collaborateurs de réaliser en 1982 des tests des inégalités de Bell.
Les résultats violent de façon très nette ces inégalités et sont en accord avec les prédictions quantiques. Il n’existe donc pas de modèle dans l’esprit des conceptions dites « réalistes locales » d’Einstein, pour décrire les particules intriquées.
On ne peut se les représenter comme deux systèmes distincts portant deux copies identiques d’un ensemble de paramètres déterminant la totalité des propriétés physiques ; il faut admettre qu’il s’agit d’un système unique, « inséparable », décrit par un état quantique global.
L'intrication quantique est un phénomène observé en mécanique quantique dans lequel l'état quantique de deux objets doit être décrit globalement, sans pouvoir séparer un objet de l'autre bien qu'ils puissent être spatialement séparés. Lorsque deux systèmes – ou plus – sont placés dans un état intriqué, on assiste à des corrélations entre les propriétés physiques observées des deux systèmes qui ne seraient pas présentes si l'on pouvait attribuer des propriétés individuelles à chacun des deux objets S1 et S2. En conséquence, même s'ils sont séparés par de grandes distances spatiales, les deux systèmes ne sont pas indépendants et il faut considérer {S1+S2} comme un système unique. WiKi
Sources : CNRS
Remarque 1 :
La mécanique quantique est bien compatible avec la théorie de la relativité, car on démontre que les états intriqués ne peuvent pas être utilisés pour transmettre une information quelconque d'un point à un autre de l'espace-temps plus rapidement qu'avec de la lumière.
Remarque 2 :
Il faut noter que les travaux d'Alain Aspect, lui ont aussi permis de développer, avec Philippe Grangier, la première « source de photons uniques », émettant à des instants identifiés des photons séparés.
Les propriétés quantiques des photons uniques et des particules intriquées sont utilisées dans les recherches actuelles sur la transmission sécurisée de l'information (cryptographie quantique) et sur le traitement quantique de l'information (processeur quantique).
Cela prouve -si besoin était- que des travaux au départ très théoriques peuvent déboucher sur des applications pratiques d'un très grand intérêt. L'absurde débat sur la nécessité d'une recherche fondamentale trouve ici une réponse sans équivoque !
Voir ci-dessous l'excellente vidéo de David Louapre
Il s'agit d'un travail paru dans Nature Photonics. Cette fois il s'agit d'une reprise de l'expérience des fentes de Young qui met en évidence la dualité onde corpuscule de la lumière.
" Bohr arriva à la conclusion que la théorie quantique ne s'applique pas à un système isolé mais à une relation entre un système et un moyen de mesure.
Cette réflexion l'amena à re-définir le concept de « phénomène » (ou « phenomenon ») : la description d’un phénomène doit inclure la spécification complète des conditions d’observations.
Selon Bohr, la question n’est pas de savoir si l’électron est une onde ou une particule, mais bien de comprendre que dans certaines expériences, les résultats expérimentaux présentent l’électron comme s’il était une onde ou comme s’il était un corpuscule. Les concepts d’onde et de particule constituent donc deux concepts complémentaires, bien que mutuellement exclusifs, qui sont néanmoins indispensables pour une description complète de l’expérience.
C’est ainsi que pour Bohr, la seule réalité sur laquelle nous avons prise consiste dans l’ensemble des phénomènes accessibles à nos sens. Les lois que nous en tirons ne sont qu’une manière commode et efficace de résumer l’ensemble des faits expérimentaux et d’en effectuer la généralisation vers l’inconnu.
La mécanique quantique donne, sous forme probabiliste, la description physique la plus complète du monde qu’on puisse concevoir.
Einstein par contre, réaliste et déterministe convaincu, était persuadé qu’il existe une réalité indépendante de nos observations.
Nous pouvons indirectement avoir accès à cette réalité en élaborant des théories et modèles. De plus, la connaissance totale et parfaite de l’état de tous les constituants de l’univers ainsi que des lois qui le gouvernent, nous permettraient de prédire l’évolution future de l’univers à tout instant. Or en mécanique quantique ce recensement de la position et de la quantité de mouvement de chacune des particules de l’univers, nous est rendu impossible par les inégalités d’Heisenberg.
C’est pourquoi Einstein, n’admettant pas la nature probabiliste de la mécanique quantique, ni les relations d’indétermination d’Heisenberg, accusa alors la mécanique quantique d’être incomplète quant à la description qu’elle nous donne de la réalité.
De nos jours, l'interprétation de Copenhague est considérée comme une interprétation philosophique classique de la mécanique quantique. Il n'en est pas moins qu'elle reste un débat d'actualité, tant sur le plan philosophique, qu'expérimental."
Extrait INPL (Institut de Physique Nucléaire Lyon)
Au bout du bout de la réflexion, la question qui est posée est celle ci :
La physique quantique invalide-t-elle le principe du déterminisme universel ?
L'hypothèse du déterminisme universel ( chaque événement est déterminé par un principe de causalité) a gouverné la science du XIXe siècle.
La physique quantique, et plus précisément, le fameux principe d'incertitude d'Heisenberg , qui nous dit qu'il est impossible de connaître avec une infinie précision la position et la quantité de mouvement d'une particule, met à mal ce déterminisme.
Cependant, il ne disparaît pas totalement en physique quantique, puisque les probabilités de présence peuvent être calculées exactement à partir de l'état initial du système considéré selon des lois rigoureusement déterministes.
Néanmoins la physique quantique semble impliquer que l'Univers obéit au libre jeu du hasard et de la nécessité. D'où l'exclamation d'Albert Einstein : « Dieu ne joue pas aux dés » !
Voila à nouveau remis en piste ce fameux hasard !
Il faut cependant noter que la physique quantique n'invaliderait que le déterminisme universel : le déterminisme régional reste un principe d'explication physique incontournable pour nombre de phénomènes.
Certains pensent d’ailleurs que le principe d'incertitude d'Heisenberg ne peut en rien invalider le déterminisme universel. Car certes, une intelligence intérieure à l'univers ne sera probablement jamais en mesure de connaître exactement son état entier à un instant donné, mais cela n'invaliderait pas la théorie du déterminisme universel, puisque la possibilité de connaître l'état de l'univers n'est ni un prérequis ni une conséquence nécessaire de ce déterminisme.
voir ICI : Nécessité et hasard dans les processus de la mécanique quantique.
En 2017, les qbits vont sortir des grands laboratoires de physique quantique pour aller du côté de chez Google et Microsoft... qui ont débauché leurs meilleurs éléments.
Autant dire que l'ordinateur quantique n'est plus une chimère mais un projet industriel.
Cela ne veut pas dire que nos PC actuels, (aux performances ridicules par rapport à ce qui s'annonce), sont déjà menacés d'obsolescence, mais que d'ores et déjà l'informatique prépare une nouvelle révolution technologique.
La physique quantique est quelque chose de très complexe car elle concerne le monde microscopique où des objets très petits (de la taille de l'atome) peuvent se déplacer à de très grandes vitesses. Dans ce monde, les lois de la physique classique sont mises à mal et des phénomènes bizarres, comme l'intrication quantique (que j'évoque ICI) -qu'Einstein lui-même avait contestée- sont mis en évidence.
Ainsi en physique quantique, une particule peut-être dans plusieurs états à la fois ! Cependant l’état superposé existe uniquement en l'absence d’observation. Autant dire qu'il est plus facile de comprendre ce phénomène avec des outils mathématiques, comme les fonctions d'onde !
Erwin Schrödinger, un des rois du monde quantique (douce équation de ma jeunesse !) a illustré le phénomène avec un chat confiné dans une boite pourvue d'un dispositif létal. En physique quantique le chat est à la fois dans deux états -mort et vivant (statistiquement équivalents)-. Quand on ouvre la boite (observation) le chat est bien entendu mort ou vivant (décohérence quantique).
Evidemment les chats morts-vivants ne courent pas les gouttières, ceci n'est qu'une expérience de pensée. En fait, l’état de superposition ne peut être maintenu que pour des objets de très petite taille, constitués de quelques particules.
Ci-dessous, très simple illustration de la notion d'états superposés.
Je vais évacuer rapidement la définition scientifique du q(u)bit en citant le cours de Serge Haroche au Collège de France :
"Un atome (ou ion) qui évolue dans un sous-espace sous-tendu par deux états est un système analogue à un spin, appelé qubit en information quantique.
Un état pur du qubit est représenté par un vecteur unitaire évoluant sur la sphère de Bloch. Les pôles nord et sud de la sphère correspondent aux états logiques 0 et 1 du qubit "
Pas simple donc de décrire mathématiquement, à tout moment, un état superposé de 0 et de 1, de oui et de non, de vrai ou de faux !
Toutefois le schéma ci-contre permet d'aider nos neurones à appréhender le phénomène. L'état quantique est représenté par un vecteur sur cette sphère, dont le pôle nord est équivalent à la valeur 1 et le pôle sud à la valeur 0 ; il est donc caractérisé par des coordonnées sphériques (comme la latitude...).
Au moment de la mesure cet état redeviendra 0 ou 1 , c'est la position sur la sphère qui donnera les probabilités du 1 et du 0 - ici, respectivement, 70% et 30% .
Mais à quoi ça sert ???
La réponse est donnée par les performances du D-Wave de Google (1097 qbits) représenté plus haut (qui ne serait pas encore un "vrai" ordinateur quantique???) :
« Ce qu'une machine D-Wave fait en une seconde prendrait 10.000 ans à un ordinateur conventionnel »
Aujourd'hui Google annonce une puce de 2000 qbits !
Certes les applications sont encore très limitées (la cryptographie quantique est en ligne de mire)... mais ce n'est qu'une question de temps !
Pour Google la cible est clairement l'élaboration de machines intelligentes :
« Le Machine Learning va se transformer en apprentissage quantique. On parle beaucoup de créer des machines plus créatives, mais les systèmes les plus créatifs que nous pourrons créer seront des machines quantiques intelligentes ».
Hartmut Neven, directeur du laboratoire d’intelligence artificielle quantique de Google
Et comment ça marche ???
Technologiquement, c'est très compliqué - quelle que ce soit l'option choisie- sachant qu'il faut obtenir un temps de cohérence — temps où l'état de superposition est maintenu — plus important que le temps de calcul.
Google (Wave) utilise la propriété de supraconductivité de films d'aluminium déposés sur un saphir, ce qui implique des températures proches du zéro absolu (-273°C) !
La Médaille d'or du CNRS, l'une des plus prestigieuses distinctions scientifiques françaises, a été décernée mercredi au physicien Serge Haroche, 64 ans, explorateur de l'étrange monde quantique, jonglant avec atomes et photons, les insaisissables particules de lumières.
Ses travaux de pionnier ont permis d'étudier et d'illustrer expérimentalement certains postulats de la mécanique quantique qui s'applique au monde microscopique. AFP, le 4 juin 2009
Serge Haroche est un brillant chercheur (élève du prix Nobel de physique Claude Cohen-Tannoudji), professeur au Collège de France, qui a dirigé pendant plusieurs années le laboratoire de physique de l'ENS. C'est un spécialiste de physique atomique et d'optique quantique.
Ses travaux visent à comprendre le passage du monde quantique au monde macroscopique de notre quotidien, un phénomène de "décohérence" que des expériences sur des photons captifs ont permis "saisir au vol".
Son équipe à l’ENS a pu, en portant l’atome dans une superposition de ses deux états d’énergie, préparer le champ dans un état où il oscille avec ces deux phases opposées à la fois, une situation impossible à comprendre d’un point de vue classique, mais parfaitement légitime selon la loi quantique.
De tels états étranges s’appellent « chats de Schrödinger » en référence à une fameuse expérience de pensée dans laquelle ce physicien avait imaginé qu’un chat, emprisonné dans une boîte avec un atome radioactif, pouvait être placé dans la situation inconfortable d’être suspendu de façon quantique entre la vie et la mort (voir ci-dessus).
Dans la vie réelle, les chats sont bien sûr morts ou vivants, une porte est ouverte ou fermée et n’est jamais bizarrement suspendue entre ces deux états. C’est que le phénomène de la décohérence a joué son rôle.
Sous l’effet du couplage avec leur environnement, les objets macroscopiques constitués d’un très grand nombre de particules voient leurs superpositions d’états disparaître très rapidement. L’ambiguïté quantique s’évanouit pour laisser place au monde classique de notre expérience quotidienne.
L’équipe de l’ENS a pu suivre en temps réel ce phénomène de perte de cohérence quantique en observant au cours du temps l’évolution d’un « chat de Schrödinger » de quelques photons. Elle a montré que le temps de décohérence est d’autant plus court que le nombre de photons contenus dans le champ est plus grand.
Ceci explique pourquoi les systèmes formés d’un nombre gigantesque de particules apparaissent toujours comme classiques, puisqu’on n’a pas en pratique le temps d’observer leur trop fugace existence quantique.
Cette expérience montre de façon spectaculaire comment le comportement classique du monde macroscopique qui nous entoure émerge du monde quantique sous-jacent.
Suite de la présentation des travaux de Serge Haroche ICI.
On verra dans ce texte comment une recherche fondamentale -presque d'ordre philosophique puisque abordée à partir d'une expérience de pensée- peut conduire à des applications technologiques extraordinaires :