Une question demeure : l’homme a-t-il été créé pour quelque fin que ce soit ?
" La nature ne nous
répondra pas car elle est muette. Et comment lui attribuer une intention ? Sa définition pourrait être « ce que l’homme n’a pas créé », elle représente surtout pour lui une étrangeté. Alors,
c’est quand même plus facile d’espérer avec « Dieu ».
Voilà un recours fiable
pour trouver une nécessité spirituelle à l’apparition de l’homme. Il permet d’affirmer que celui-ci est le produit d’une volonté, et non des moindres, celle de son Dieu Créateur ! Certains
religieux ayant le sens du compromis acceptent les mutations génétiques et pensent qu’elles sont dirigées par une puissance supérieure. Une évolution intelligente, en somme, a conduit de la
bactérie à l’homme par un saut qualitatif. Ce dernier est une création divine supérieure, seul être de l’Univers pourvu d’un esprit et d’une âme et... pouvant croire en son
Créateur. [voir sur le site ICI]
Face au grand mystère de la raison de son existence, l’homme peut tout s’interdire, faire acte de contrition perpétuelle pour s’excuser d’être là. Ou bien tout
s’autoriser, se sentir légitime dans ce qu’il est et dans tout ce qu’il fait. Et même se sentir investi de missions, pourquoi pas celle de faire l’histoire de la nature !
Quand bien même il en modifie le cours et provoque ruptures et catastrophes, celles-ci en seront l’aboutissement, elles réaliseront son sublime destin. « Dieu » ayant créé l’homme comme acteur de l’histoire, son être profond, ses actes, y compris les plus déments, s’inscriront pleinement dans cette ébouriffante aventure.
Question : qui sera responsable du résultat, « Dieu » ou sa
créature ? « Il » semble avoir laissé celle-ci bien seule pour assumer une tâche aussi écrasante...
Il existe une troisième voie : l’homme peut aussi bien se légitimer tout seul. Il ne lui est pas absolument nécessaire de chercher une caution auprès d’une instance
divine.
Que l’homme soit légitimé par « Dieu » ou par
lui-même, cela change-t-il quelque chose ? Et a-t-il besoin de se poser la question ? Créateur absolu de lui-même, il peut tout simplement se prendre pour Dieu. Et se donner par exemple une
mission hégélienne : réaliser l’avènement de la Raison sur terre, équivalente d’une Providence divine.
Mais tous les humbles mortels, que nous sommes, ne veulent pas se prendre pour des démiurges.
Seul au monde, sans « Dieu », l’homme peut-il se croire nécessaire sans être immédiatement ridicule ? Peut-il croire, en toute lucidité, qu’il décide de sa posture ontologique, et qu’il la décide seul, en étant juge et partie ? Ou bien il croit en Dieu, ou bien il est contingent."
Café-Philo des Phares
Stéphane MALLARME, Angoisse
Je ne viens pas ce soir vaincre ton corps, ô
bête
En qui vont les péchés d’un peuple, ni
creuser
Dans tes cheveux impurs une triste
tempête
Sous l’incurable ennui que verse mon baiser
:
Je demande à ton lit le lourd sommeil sans
songes
Planant sous les rideaux inconnus du
remords,
Et que tu peux goûter après tes noirs
mensonges,
Toi qui sur le néant en sais plus que les morts
:
Car le Vice, rongeant ma native
noblesse,
M’a comme toi marqué de sa
stérilité,
Mais tandis que ton sein de pierre est
habité
Par un cœur que la dent d’aucun crime ne
blesse,
Je fuis, pâle, défait, hanté par mon
linceul,
Ayant peur de mourir lorsque je couche
seul.
" Goya et Géricault peignirent l’atrocité de la guerre comme la bestialité des hommes si prompte à ressurgir par temps de naufrage. « Füssli et Delacroix donnèrent corps aux spectres, Milton, Shakespeare et Goethe aux sorcières et démons, tandis que Caspar David Friedrich et Carl Blechen projetaient le public dans des paysages énigmatiques et funèbres. »
" À partir des années 1880, des artistes régénèreront l’héritage du romantisme noir pour confronter l’homme à ses terreurs et à ses contradictions : la sauvagerie et la perversité cachée en tout être humain, le risque de dégénérescence collective, l’étrangeté angoissante du quotidien révélée par les contes fantastiques d’Edgar Allan Poe (à qui l’on doit le titre "L’Ange du bizarre") ou de Barbey d’Aurevilly. »
" De la boîte de Pandore où grouillaient les maux de
l’humanité les Grecs firent sortir l’espoir, après tous les autres et comme le plus terrible de tous. Il n’est pas de symbole plus édifiant car l’espoir au contraire de ce que l’on croit équivaut
à la résignation, et vivre ce n’est pas se résigner. "
Albert Camus, Noces