Rançon de la mondialisation et du libéralisme
Vingt ans d'incurie politique ont permis à un nouveau Bonaparte, déterminé, courageux et intelligent, de prendre le pouvoir.
Les habitués des ors de la République et des prébendes qui y sont associées, tous ces médiocres politiciens professionnels qui depuis deux décennies sont allés d'échec en renoncements - jusqu'à offrir un boulevard à des populistes racistes et incompétents- se lamentent et ont le culot de moquer l'inexpérience de leurs successeurs.
Qui les plaindra ?
Pas moi !
Cet énorme coup de pied dans la fourmilière était nécessaire, il n'est pas suffisant.
L'équation à résoudre pour le pouvoir français reste la même : comment préserver un système social unique au monde tout en levant les verrous qui dans trop de domaines brident les énergies, comment protéger les plus fragiles et fortifier notre économie dans un environnement tout acquis au libéralisme débridé ???
Plus largement : peut-on lutter contre les inégalités en accentuant le pouvoir des patrons ?
Ou encore : est-il admissible de lutter contre le chômage en diminuant le pouvoir d'achat des salariés ?
Et enfin : une économie globalisée fonctionnant avec d'énormes disparités de revenus entre pays -et au sein même de chaque pays-, peut-elle être pérenne ?
Les inégalités contenues en France jusqu'à 2009...
De très nombreuses études internationales et une avalanche de données peuvent être résumées par ces deux observations :
- en 30 ans, la progression des richesses a été d'environ 80% aux USA, en Grande-Bretagne et en Allemagne. Sur la même période elle n'a été que de 55% en France.
- MAIS, alors que les inégalités ont continué de croître et d'embellir dans les pays anglo-saxons, elle ont eu tendance à se stabiliser, voire à diminuer dans notre pays (graphe ci-contre) :
" La France est en effet un des pays les moins inégalitaires au regard de ses voisins européens ou des Etats-Unis. Contrairement à la représentation en forme de pyramide qu’en ont les Français (avec une large base de bas revenus), la répartition des revenus ressemble à une toupie (la majorité a des revenus moyens). Nettement moins injuste. Les inégalités se sont certes de nouveau creusées depuis la crise économique de 2008, mais la captation des fruits de la croissance économique par les hauts revenus est moins nette que dans le reste des pays développés. Et la pauvreté y a nettement moins progressé." Le Monde, 12 octobre 2016
Notre système de protection sociale a limité en partie les écarts de revenus ou leur aggravation.
... progressent à nouveau
Une analyse fine de l'indice de Gini réalisée par l'INSEE, montre par contre que, depuis la crise de 2008, les inégalités en France se creusent à nouveau.
On ne peut pas ne pas faire le lien avec les mesures très libérales (aides massives aux banques) prises à cette époque aux USA, en Europe et en France pour résoudre le problème.
Le gouvernement Macron, orienté à droite, devra intégrer ces données avant d'administrer une purge à un patient en voie de rechute.
Les inégalités Nord-Sud explosent
Au cours des 50 dernières années, l'écart du revenu global par habitant entre le Nord et le Sud, a été multiplé par 3, selon les données de la Banque mondiale .
L'ONG britannique Oxfam rappelle que huit personnes sur la planète détiennent autant de richesse que la moitié la plus pauvre de la population mondiale.
"Il est indécent que tant de richesses soit concentrée dans les mains d'une si infime minorité, quand on sait qu'une personne sur dix dans le monde vit avec moins de 2 dollars par jour", affirme la porte-parole d'Oxfam France.
En France, 21 milliardaires possédaient autant que les 40% les plus pauvres de la population française en 2016.
Le gouvernement Macron, fortement tenté par le tout sécuritaire, aurait grand tort de ne pas considérer ce qui est à la source même du terrorisme et des violences qui accablent les pays musulmans : l'extrême pauvreté et l'écart vertigineux qui ne cesse de se creuser entre les plus riches et les plus pauvres.
The global goals
Prenant conscience du danger induit par ces énormes disparités, les Nations-Unis ont défini en 2015 des objectifs de développement durable.
Dix-sept objectifs ont été fixés pour la période 2015 - 2030.
L'objectif n° 10 (goal 10) vise à réduire les inégalités "entre les pays et en leur sein".
Il est clair qu'il ne s'agit pas de philanthropie mais de l'intérêt bien compris des pays les plus riches, de plus en plus menacés par l'instabilité liée à une pauvreté croissante.
Parmi les actions préconisées, on note l'amélioration des protections sociales, la réglementation des marchés financiers mondiaux, la réduction des redevances sur les envois de fonds des migrants... et l'appel à de meilleurs salaires.
L'écart sur les salaires conduit à un transfert de valeur caché entre le sud et le nord : lorsque le Nord achète les marchandises du sud, il bénéficie des salaires peu élevés au sud, mais quand c'est le Sud qui achète des marchandises au nord, il doit assurer la charge de salaires bien plus élevés.
Des économistes ont calculé que dans les années 1960, à la fin de la période coloniale, le Sud transférait vers le Nord deux fois le montant de l'aide et des investissements venant des pays développés. Ils estiment qu'aujourd'hui ce facteur serait de 11 (chiffre 2012).
Parmi les solutions, certains prônent un salaire minimum global universel, qui tiendrait compte des disparités entre les différents pays (adapté aux conditions économiques locales ).
Bien d'autres leviers sont proposés (la fameuse taxe Tobin...) pour agir sur ce transfert de biens des plus pauvres vers les plus riches.
La France serait bien inspirée d'agir dans ce domaine, voire de prendre le flambeau de ce combat pour un développement durable et équitable.
Le tout libéral conduit à une impasse
Dans les années 80, Ronald Reagan et Margaret Thatcher ont été les deux artisans d'une révolution conservatrice qui a mis en application les théories ultra libérales de l'École monétariste de Chicago, incarnée par Milton Friedman, de l'école de l'offre d'Arthur Laffer et de l'École autrichienne, représentée par Friedrich Hayek ; tous inspirés par le pape du libéralisme : Adam Smith.
Trente ans après on peut voir les effets de cette révolution. Un accroissement considérable des richesses au seul profit d'une toute petite minorité, une pauvreté accrue qui touche désormais les travailleurs précaires des pays riches et un monde instable et dangereux.
Emmanuel Macron est un homme intelligent qui bénéficie de nombreux atouts intérieurs et extérieurs (il suffit de lire les journaux étrangers - y compris scientifiques- pour constater que la France est de retour), il ne peut pas ne pas constater que le tout libéral est une impasse qui conduit à l'exclusion, au désordre, à la violence.
Plus loin : les dossiers de The Guardian , Global development professionals network
Article de fond : Distributional Effects of Globalization in Developing Countries, Journal of Economic Literature (2007)