Victor Hugo : la gauche sans étiquette
Où est la gauche aujourd'hui ?
Sûrement pas à l'Elysée ou Matignon ou autres Palais de l'état, d'où l'on s'applique à désespérer tout ce qui travaille, chôme, lutte et se bat dans ce pays.
Où l'on se satisfait de la fuite de nos jeunes cerveaux et l'on tolère qu'un quart de notre jeunesse se croise les bras.
Où l'on accepte sans broncher la victoire de la rente et de ses presse-citrons, qui de leurs paradis fiscaux accaparent l'essentiel des fruits de la croissance mondiale.
Pas plus chez ce braillard obsédé de la candidature, qui veut à nouveau faire don de sa personne, sans avoir consulté quiconque. On sait les aventures vécues avec de tels personnages.
Pas dans des syndicats exsangues... Pas au PS... Pas chez les écolos... Pas au NouvelObs... Pas à Mediapart, où certains flirtent dangereusement avec l'islamo-gauchisme...
Pour comprendre le succès des Nuits Debout, il faut sans doute faire ce triste constat : la gauche institutionnelle a disparu.
Pour parler de solidarité, de fraternité, de liberté... jeunes et exclus réinventent l'Agora, puisque politique et medias, sont confisqués par la même clique de donneurs de leçons blanchis sous le harnois : élus, "experts" en tout genre, journalistes... qui tourne en boucle sur toutes les antennes (on se demande où est la pluralité de l'information quand toutes les chaînes présentent exactement le même casting !).
Les anciens, dont je suis, se consolent avec l'évocation "des voix chères qui se sont tues". Victor Hugo en est une... et pas la moindre ! Ecoutons-la encore un peu.
" La liberté commence où l'ignorance finit"
Cette petite phrase, extraite des Contemplations, est mise en exergue dans le chapeau de ce site. Elle me sert de devise. C'est un marqueur de gauche.
Au-delà des interprétations philosophiques qu'elle suscite, elle a pour moi un sens très clair, qui correspond tout à fait à l'orientation de ces quelques pages destinées à éveiller la curiosité des lecteurs dans divers domaines et à susciter un appétit de connaissance.
OUI, Le premier devoir d'un homme de gauche est de lutter contre l'obscurantisme, longtemps véhiculé par la religion, arme fatale des pouvoirs absolus qui se sont succédé durant deux millénaires, sur tous les continents.
Les philosophes des Lumières ont été les premiers a tenter de subvertir cet ordre ancien. La grande Encyclopédie dénonçait l'ignorance, Voltaire s'en prenait à l'arbitraire et Diderot au religieux. L'ensemble indiquait un chemin vers la liberté et ouvrait la voie à La Révolution française de 1789.
Grand admirateur de Chateaubriand dans sa jeunesse, Hugo est un conservateur modéré jusqu'en 1850 (il a 48 ans). Il va dès lors évoluer vers un réformisme de gauche aux idées parfois radicales pour son époque, tout en réfutant tout manichéisme.
On lui reprochera sa position ambigüe sur la Commune. Il la justifiera ainsi :
« Ce que représente la Commune est immense, elle pourrait faire de grandes choses, elle n'en fait que des petites. Et des petites choses qui sont des choses odieuses, c'est lamentable. Entendons-nous, je suis un homme de révolution. J'accepte donc les grandes nécessités, à une seule condition : c'est qu'elles soient la confirmation des principes et non leur ébranlement. Toute ma pensée oscille entre ces deux pôles : « civilisation-révolution »
Il dénoncera néanmoins les exactions des troupes de Thiers, la répression qui s'abat sur les Communards et soutiendra Louise Michel condamnée au bagne avec qui il échangera une longue correspondance.
Dans les Misérables, il dénoncera le dénuement du peuple, la condition féminine, la ségrégation sociale.
Gavroche, gamin de Paris, qui meurt sur une barricade en chantant :
"Je suis tombé par terre,
C'est la faute à Voltaire,
Le nez dans le ruisseau,
C'est la faute à... [Rousseau]."
a longtemps été cher au coeur de la gauche.
En 1879 il proclamera : « La question sociale reste. Elle est terrible, mais elle est simple, c'est la question de ceux qui ont et de ceux qui n'ont pas ! »
Dans son Discours sur la misère, prononcé en 1849, il proclamait déjà : " je suis de ceux qui pensent et qui affirment qu’on peut détruire la misère. Remarquez-le bien, messieurs, je ne dis pas diminuer, amoindrir, limiter, circonscrire, je dis détruire. "
Et dans Claude Gueux, dès 1834 : " Ayez pitié du peuple, à qui le bagne prend ses fils, et le lupanar ses filles. Vous avez trop de forçats, vous avez trop de prostituées."
Victor Hugo a été républicain, féministe ("George Sand meurt, mais elle nous lègue le droit de la femme puisant son évidence dans le génie de la femme. C’est ainsi que la révolution se complète. Pleurons les morts, mais constatons les avènements ; les faits définitifs surviennent, grâce à ces fiers esprits précurseurs."), abolitionniste militant, en un temps où bien peu nombreux étaient ceux qui soutenaient ce triple combat.
Le peuple ne s'y est pas trompé, il participa en masse à ses funérailles. Le premier juin 1885, plus de deux millions de personnes suivirent son cortège funèbre.
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