La prestigieuse revue Nature relate le parcours d'Emmanuelle, "la révolutionnaire tranquille " (Alison Abbott, 27 avril 2016).
Il est rare qu'un si jeune chercheur fasse l'objet d'un article aussi détaillé dans la première revue scientifique au monde. Pour une jeune femme française, c'est sans doute une première.
Il est vrai que son parcours est exceptionnel.
Pendant des années elle a galéré sans jamais lâché l'objectif qu'elle s'était fixée, suivant un cheminement qui l'a conduite en 20 ans dans pas moins de 9 instituts de 5 pays différents.
«Je devais toujours construire de nouveaux laboratoires à partir de zéro " dit-elle. Vivotant sur des subventions à court terme, ce n'est qu'à 45 ans qu'elle put disposer de son propre technicien.
Mais aujourd'hui, tout a changé ! A 48 ans, elle est connue du monde entier, elle occupe un poste académique à Berlin, la société de thérapie génique qu'elle a co-fondée en 2013, CRISPR Therapeutics, est devenue l'une des sociétés de biotechnologie pré-clinique les plus richement dotées au monde ; on parle d'elle pour un futur Nobel.
Dernière publication de E.Charpentier sur le thème ICI
Sa découverte (avec Jennifer Doudna) c'est CRISPR-Cas9, une révolution dans la méthode d'édition de gènes, une avancée capitale pour la thérapie génique. Je parle longuement de cette aventure ICI et ICI
Après des études à l'Université Pierre et Marie Curie, doctorat de l'Institut Pasteur en poche, Emmanuelle est partie, comme tout bon docteur, en post-doc à l'étranger. On connaît la suite.
On ne peut évidemment que regretter qu'aucun laboratoire français n'ait été en mesure de fournir des moyens décents à un chercheur de ce calibre.
Mais la recherche française décline, croulant sous le poids d'administrations de plus en plus pesantes, de systèmes d'évaluation et d'expertises qui transforment de brillants chercheurs en gratte-papiers : recherches de crédits, montage de projets, bilans, rapports et évidemment publications scientifiques, congrès...
Le système européen de dotations - parcours du combattant véritablement ubuesque - avec ses officines de mise en forme de projets, son indispensable lobbying, ne vaut pas mieux. Il a d'ailleurs été critiqué dans cette même revue Nature.
Et puis en France, qui se soucie de ces quelques milliers de solitaires, qui pour une rémunération qui va de 2000 à 5000 euros par mois, passent entre 70 et 80 heures par semaine dans leurs laboratoires.
On préfère mettre en lumière de sinistres abrutis qui gagnent des millions d'euros pour taper dans un ballon, ou des écervelées qui mettent en avant la chirurgie esthétique.
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