Quand j'ai décidé de créer ce site, il y a presque deux ans, le premier thème que j'ai souhaité aborder concernait la soumission. On trouvera notamment quelques réflexions sur ce vaste sujet dans Les moutons de Panurge et les Rebelles.
Ma première véritable dissertation au lycée concernait un passage de Gargantua à propos de l'abbaye de Thélème (fais ce que tu voudras). François Rabelais (Alcofribas Nasier) devint -pour quelque temps- un de mes auteurs classiques préférés, c'est à lui que j'ai fait référence en inaugurant ces pages.
La soumission à l'autorité, à l'ordre, aux dogmes, au chef… est un comportement qui m'a toujours fasciné, pour de multiples raisons.
L'exercice de ma profession tout d'abord qui, à travers ses divers aspects, m'a donné un excellent aperçu de ce que peuvent être les relations humaines au sein d’une communauté hétéroclite (de près de 1500 personnes, de la femme de ménage au président d'université), où la gestion des carrières est régulée par le mécanisme de la cooptation (recruté et promu par ses pairs).
Je dois dire que ce que j'ai pu observer dans ce microcosme n'a cessé de m'étonner - souvent de me consterner- et en tout cas permis de vivre, presque au quotidien, la mise en œuvre des mécanismes de soumission et de domination... pas toujours corrélés (loin s'en faut !) à la compétence ou au mérite des uns et des autres.
Voir de grands professeurs pérorant dans les amphis et les laboratoires, se transformer en carpette face au mandarin dominant dans des aréopages plus huppés, est un spectacle qui en dit long sur nos comportements !
L'intérêt que j'ai pu porter à la chose publique, ensuite. Naïf que j'étais, j'ai longtemps crû à la sincérité de tous les hommes qui portaient mes couleurs. Mais le même comportement moutonnier des adeptes devant les chefs et les dogmes, m'ont toutefois évité l'adhésion à un quelconque parti politique et fait claquer la porte du principal syndicat de l'enseignement supérieur.
Enfin, quand on a une passion pour l'histoire, il est évident que le thème de la soumission à l'ordre et à l'autorité ne cesse de vous interpeller.
Bien sûr on peut citer l'ignominie du nazisme (combien de français, combien de nos parents, de nos grands-parents se sont révoltés en voyant leurs amis de la veille, leurs voisins, leur médecin... porter l'étoile jaune... mais MOI qu'aurais-je fait ?), des fascismes, des colonialismes… mais de l'autre côté l'histoire témoigne aussi que de grands idéaux, de justes révoltes, des révolutions... ont accouché trop souvent de tyrans : 1789 conduit à Robespierre puis à Bonaparte, 1848 à Napoléon III, 1905 et 1917 à Staline, la défaite de l’impérialisme américain à Pol Pot.
L'homme a toujours eu besoin de figures tutélaires : les dieux, un Dieu, le chef, le führer, le maréchal, le père des peuples, le Duce, le guide suprême... et beaucoup sont prêts pour cela, quand l'occasion se présente, à gravir les pires degrés de l'abjection.
C'est un fait, l'homme a besoin de dominer et d'être dominé. S'agit-il d’un comportement inné ?
Certains interprètes mal intentionnés de Darwin ont développé plusieurs concepts pour justifier scientifiquement la domination par une élite d'une masse jugée moins capable. Ce darwinisme social considère légitime que les ethnies et les individus les plus faibles disparaissent et laissent la place aux hommes les mieux armés pour survivre. Il justifie ainsi le colonialisme, l'eugénisme, le fascisme et bien sûr le nazisme.
S’agit-il au contraire d'un conditionnement, comme La Boétie le disait si bien il y a plus de quatre siècles :
"Les hommes nés sous le joug, puis nourris et élevés dans la servitude, sans regarder plus avant, se contentent de vivre comme ils sont nés et ne pensent avoir d'autres biens ni d'autres droits que ceux qu'ils ont trouvés ; ils prennent pour leur état de nature l'état de leur naissance. Discours de la servitude volontaire."
La Boétie avait déjà éventé le secret de toute domination : faire participer les dominés à leur domination
C’est ce thème de la soumission que France 2 explore, ce mercredi 17 mars, sous forme d’un « jeu » assez terrifiant (jusqu'où va la télé?) qui reprend l'expérience de Milgram que j’ai décrite ICI. Dans cette expérience l'autorité était représentée par l'université (le Savoir), dans le jeu c’est la caméra et le présentateur qui jouent ce rôle. Le résultat est à peu près le même... en pire
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