Chez les existentialistes, l'angoisse ne désigne pas un simple sentiment subjectif et ne se confond pas avec l'anxiété ou la peur. L'angoisse est angoisse du néant, angoisse de sa propre liberté. Elle désigne l'expérience radicale de l'existence humaine.
Chez Kierkegaard/Heidegger, l'angoisse est l'essence même de l'homme, elle est la disposition fondamentale de l'existence et en révèle le fond.
Chez Sartre, il y a conjugaison de ces deux définitions. L'angoisse est à la fois angoisse devant la liberté et devant le néant de la mort. L'angoisse n'est pas la peur. On a peur de ce qui nous est extérieur : le monde et les autres. Mais, on s'angoisse devant soi-même.
C’est ce que révèle l'expérience du vertige : je suis au bord d'un précipice, d'abord vient la peur de glisser et donc la peur de la mort, mais je suis encore passif. Je fais alors attention et mes possibilités d'échapper au danger, comme celle de reculer, annihilent ma peur de tomber. Mais alors, je m'angoisse car ce ne sont que possibilités. Rien ne me contraint à sauver ma vie en faisant attention, le suicide est aussi une des conduites possibles. Mais là encore ce n'est seulement qu'une possibilité, d'où une contre angoisse et je m'éloigne du précipice. J'ai peur de ce que je peux faire, du pouvoir immense que me confère ma liberté : c'est de là que naît l'angoisse. l’angoisse naît de la liberté. Elle est la découverte d’une liberté qui, tout en n'étant rien, est investie d'un pouvoir infini.
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Sigmund Freud a effectué plusieurs théorisations de l'angoisse qui se complètent. On distingue généralement deux conceptions de mécanismes intra-psychiques qui, la plupart du temps sont inconscients et n'apparaissent qu'à travers la parole de la cure :
On peut distinguer à travers l'analyse des colorations qualitatives de l'angoisse, selon l'objet de crainte :
Dans son séminaire sur l’angoisse, Jacques Lacan dépasse l’analyse d’un état-limite par une nouvelle dialectique du rapport au monde.
" Ne savez-vous pas que ce n’est pas la nostalgie du sein maternel qui engendre l’angoisse, mais son imminence ? "
Dans son séminaire courant de novembre 1962 à juillet 1963, Lacan lance de ces questions limpides à propos d’un affect considéré par les existentialistes comme l’ineffaçable marque de la condition humaine.
" Il est convenu de dire combien la lecture de Lacan, de par l’outillage freudien qu’elle mobilise sous la couche des concepts proprement lacaniens, et le cheminement tout à la fois scintillant et profond dans la culture et le langage qu’elle invite à suivre, n’est pas une sinécure. Mais elle est à coup sûr une aventure.
Face au néant pour Kierkegaard, Heidegger ou Sartre, face au manque pour la psychanalyse, l’angoisse signale d’abord un vide. Elle n’est ni la peur, dont la cause est aperçue sinon entendue, ni encore moins le " stress ", produit mécanique de l’impératif de rendement qui prévaut dans nos sociétés.
L’angoisse, apparemment, n’a pas d’objet. Plus exactement, nous dit Lacan, elle naît lorsque l’objet du désir risque d’être identifié, menaçant de disparition le désir même. " Qu’est-ce que cela veut-il dire ? Sinon que ce qui est craint, c’est la réussite. C’est toujours le ça ne manque pas ", explique par exemple Lacan à propos des logiques d’échec.
Au-delà de la névrose, l’angoisse moderne signale ainsi la résistance salutaire et subversive du désir."
David Zerbib
Je ne viens pas ce soir vaincre ton corps, ô bête
En qui vont les péchés d’un peuple, ni creuser
Dans tes cheveux impurs une triste tempête
Sous l’incurable ennui que verse mon baiser:
Je demande à ton lit le lourd sommeil sans songes
Planant sous les rideaux inconnus du remords,
Et que tu peux goûter après tes noirs mensonges,
Toi qui sur le néant en sais plus que les morts:
Car le Vice, rongeant ma native noblesse,
M’a comme toi marqué de sa stérilité,
Mais tandis que ton sein de pierre est habité
Par un coeur que la dent d’aucun crime ne blesse,
Je fuis, pâle, défait, hanté par mon linceul,
Ayant peur de mourir lorsque je couche seul.
Stéphane Mallarmé
Quand dorment les soleils sous nos humbles
manteaux
Dans l’univers obscur qui forme notre corps,
Les nerfs qui voient en nous ce que nos yeux ignorent
Nous précèdent au fond de notre chair plus lente,
Ils peuplent nos lointains de leurs herbes luisantes
Arrachant à la chair de tremblantes aurores.
C’est le monde où l’espace est fait de notre
sang.
Des oiseaux teints de rouge et toujours renaissants
Ont du mal à voler près du coeur qui les mène
Et ne peuvent s’en éloigner qu’en périssant
Car c’est en nous que sont les plus cruelles plaines
Où l’on périt de soif près de fausses fontaines.
Et nous allons ainsi, parmi les autres
hommes,
Les uns parlant parfois à l’oreille des autres.