J'ai regardé avec beaucoup d'intérêt les trois émissions à propos de Camus que je signalais sur la page d'accueil de ce site. Elles se complétaient et donnaient je crois une image assez fidèle de l'homme et de l'œuvre.
Combien de nos concitoyens de moins de trente ans lisent aujourd'hui Camus ? On dit pourtant que l'auteur de L'Etranger est l'écrivain français contemporain le plus lu dans le monde.
Ce que j’ai apprécié le plus chez Camus c'est naturellement le volet sur l'absurde, les considérations sur le bonheur et aussi une qualité d'écriture exceptionnelle.
Aux plus jeunes, je conseillerais de lire, après (ou avant) L'étranger, Noces (suivi de l'Eté), petit recueil écrit en 1936 (il a 23 ans) d'où j’extrais ceci :
"Je me souviens du moins d’une grande fille magnifique qui avait dansé tout l’après-midi. Elle portait un collier de jasmin sur sa robe bleue collante, que la sueur mouillait depuis les reins jusqu’aux jambes.
Elle riait en dansant et renversait la tête. Quand elle passait près des tables, elle laissait près d’elle une odeur mêlée de fleurs et de chair.
Le soir venu, je ne voyais plus son corps collé contre son danseur, mais sur le ciel tournaient les taches alternées du jasmin blanc et des cheveux noirs, et quand elle rejetait en arrière sa gorge gonflée, j’entendais son rire et voyais le profil de son danseur se pencher soudain.
L’idée que je me fais de l’innocence, c’est à des soirs semblables que je la dois. Et ces êtres chargés de violence, j’apprends à ne plus les séparer du ciel où leurs désirs tournoient."
Albert Camus, Noces, (L’Eté à Alger)
"Tous ceux qui aujourd'hui luttent pour la liberté combattent en dernier lieu pour la beauté.
Bien entendu, il ne s'agit pas de défendre la beauté pour elle-même. La beauté ne peut se passer de l'homme et nous ne donnerons à notre temps sa grandeur et sa sérénité qu'en le suivant dans son malheur.
Plus jamais nous ne serons des solitaires. Mais il est non moins vrai que l'homme ne peut se passer de la beauté et c'est ce que notre époque fait mine de vouloir ignorer. Elle se raidit pour atteindre l'absolu et l'empire, elle veut transfigurer le monde avant de l'avoir épuisé, l'ordonner avant de l'avoir compris.
Qui qu'elle en dise , elle déserte ce monde. Ulysse peut choisir chez Calypso entre l'immortalité et la terre de la patrie. Il choisit la terre, et la mort avec elle. Une si simple grandeur nous est aujourd'hui étrangère."
Albert Camus, L'Eté (1948)
Camus : un ami qui me voulait du bien
Il y a 50 ans aujourd'hui -4 janvier 2010- mourait Albert Camus, victime d'un banal accident de la route à bord de la voiture de sport de son éditeur. Il revenait d'un petit village du Lubéron que je connais bien, Lourmarin.
Il y repose aujourd'hui au sein d'une modeste tombe où, selon les saisons, fleurissent verveines, lavandes ou romarins.
Cette semaine la télévision parlera beaucoup de Camus : ce soir sur Arte à 23h05, mercredi 6 janvier sur France 2 à 20 h 35, avec un téléfilm de
Laurent Jaoui, sobrement intitulé " Camus" puis jeudi 7 sur France 5 à 20 h 35, avec une édition spéciale de La Grande Librairie de
François Busnel.
Les hommes de ma génération étaient sommés de choisir entre Sartre et Camus. Je n'ai jamais choisi ou plutôt je fus camusien après avoir lu ses édito du journal Combat (et notamment celui où, seul, il dénonçait l'utilisation de la bombe atomique au Japon), ses premiers romans ou essais (L'étranger, Noces, Le Mythe de Sisyphe, La Peste, l'Eté) puis sartrien, sans doute philosophe plus solide et surtout militant plus engagé contre les guerres coloniales.
J'ai fini par trouver l'opposition ridicule et j'ai choisi dans chacun ce qui me convenait.
Mais surtout j'ai aimé l'homme Camus, son parcours, sa droiture, ses faiblesses, son intelligence, ses souffrances... Camus c'était un ami qui me voulait du bien !
Je reproduis ici le début d'un magnifique article de Libé qui correspond exactement à mes sentiments envers Camus :
" Camus, mort à 46 ans, c’est un ami. Ou plus exactement : un homme qui fait prendre l’intelligence en amitié. Ce n’est pas simple : l’ami a des défauts, des raideurs, un orgueil facilement blessé que son intelligence met à nu. Il arrive que sa rigueur épuise notre bêtise, notre insouciance, notre paresse morale : il a toujours raison, il est toujours sincère et, comme si ça ne suffisait pas, sur la photo, c’est toujours le plus beau. Sans doute faut-il être très jeune pour le suivre, ou déjà vieux pour l’accompagner. Il y a une époque de la vie, entre 20 et 50 ans, où l’on se croit trop malin, trop subtil pour Camus..."
La suite ICI.
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